mardi 22 septembre 2015




Trois choses ne peuvent être cachées dans la durée: le soleil, la lune, et la vérité


Quels que soient le nombre de mots sacrés que vous lisiez, quels que soient le nombre de mots sacrés que vous prononciez, quels biens feront-ils si vous n'agissez pas en ligne avec eux?


Le seul véritable échec dans la vie est de ne pas être vrai




mercredi 19 décembre 2012

Une fin de moi difficile

C’est affreux et terrible quand non seulement on a peu d’occasions de briller, mais quand par surcroît on lit dans le regard d’un ami une lueur trahissant la déception. C’est ainsi que pas plus tard qu’hier, j’ai commis une gaffe irréparable lorsqu’à la question « que penses-tu du 21/12/12 ? » j’ai répondu que ça devait être la veille du 22. A croire que j’étais totalement demeuré pour envisager une chose pareille...

 Fort blessé dans mon amour-propre, j’ai donc allumé mon ordinateur préféré – dont je tairai la marque car là n’est pas le propos du message – et ai lancé Safari pour qu’une nouvelle fois Internet remédie à mes déficiences culturelles. Et là, alors que je m’attendais à une recherche longue et ardue, je réalisai avec consternation que personne n’avait eu la bonté de me mettre au courant qu’il fallait se précipiter à Trucarach pour échapper à la fin du monde. Pour être franc, jamais je n’aurais soupçonné que le seul endroit épargné serait un bled du Sud-Ouest, contrée que les canards considèrent de barbarie.

Bref, le 21 décembre, d’après moultes sectes toutes plus étranges les unes que les autres, c’est la fin du monde. On peut dire que le crétin de scribe Maya qui a mal géré son stock de stylos nous a mis dans une belle panade. En plus, vraiment nous n’avons pas de chance, il a fallu qu’il tombe en panne d’encre juste sur 2012, et en plus le 21, juste avant les congés. A croire qu’à l’époque il n’existait pas de syndicats pour faire respecter les droits des travailleurs. Tant qu’à ce que le monde se termine, j’aurais préféré que ce soit après les fêtes, pour avoir le temps, une dernière fois, de dévorer le foie d’une oie ou de gober quelques huitres baveuses à souhait.

Toujours bref, après avoir passé en revue les théories sympathiques annonçant l’arrivée tant attendue des petits-gris (avec une bonne persillade, rien de tel…), je me suis rué sur les sites des Maîtres (majuscule) Spirituels (majuscule aussi) les plus estimés pour connaître leur version des choses, de Sri-Bla-Bla-Bla à PachaMamanandaRavie. Là, je dois avouer qu’ils sont forts. Vraiment. Très forts même.

Voyez-vous, ce qui est le plus terrible pour les chercheurs spirituels, c’est la non rentabilité de leur quête. Ces braves gens investissent des sommes colossales et des milliers d’heures pour atteindre on ne sait quoi qui doit les faire passer de l’état de moi misérable à l’état de Non-Moi-Super-Tout-Que-Ca-Baigne-Toujours, et bien sur jamais ça ne marche. Alors dans leur grande compassion, dont on dit qu’elle est infinie, les Maîtres Spirituels ont trouvé un moyen habile et subtil pour que leurs disciples pensent que leur investissement n’est pas en pure perte : quand le calendrier affichera tout bêtement le samedi 22 décembre 2012, les chercheurs spirituels pourront se dire « ouf ! C’est grâce à moi que le pire a été évité ». Et pourquoi ça ? Parce que grâce à leurs prières et à leurs méditations, les chercheurs spirituels auront neutralisé les ondes négatives qui devaient détruire la planète. Faute d’avoir pu s’aider eux-mêmes à assurer leur propre Salut, les chercheurs spirituels – loosers parmi les loosers – pourront cette fois se dire qu’ils ont contribué à sauver le monde. Imaginez leur intense satisfaction, en contemplant le lever du soleil (pour ceux qui ont la chance d’habiter sous des latitudes où l’astre s’y montre), quand ils se diront « ce matin, c’est un peu (humilité oblige) grâce à Moi (tout de même) que le soleil se lève ». Il y a fort à parier que dans ces conditions, les Maîtres Spirituels limiteront considérablement les défections dans leurs rangs : quand Monsieur Quidam leur dira « Maître, voilà 30 ans que je suis vos consignes, je médite tous les jours, pourquoi ne suis-je toujours pas uni au grand Tout ? », le Maître pourra alors répondre « Mon Cher Quidam – car tout de même le Quidam ça rapporte à la longue – ne vois-tu pas que grâce à tes 30 années de pratique, tu as sauvé le Monde ? », et Monsieur Quidam se prosternera avec gratitude avant de déposer une nouvelle offrande au pied du Gourou. Monsieur Quidam sera aux anges…quelques temps, avant de retrouver son usuelle misère intérieure.

Et alors, que je me suis demandé, que dit-on du côté des adeptes du Non-Deux ? Renonçant provisoirement à la haute technologie, je pris mon bon vieux téléphone plein de fils partout, et j’appelai mon référent en Non-Deux. Après les introductions d’usage sur comment chacun ne va pas bien, et aussi sur comment chacun il a un moi que chaque mois le moi est un peu plus petit que le mois d’avant, léger, léger, que vraiment on peut même se poser la question s’il en reste encore, nous entrâmes dans le vif du sujet : alors le 21 décembre, fin du Monde ou pas fin du Monde ? Je reçus alors un exposé magistral, d’une infinie subtilité, qui démontra – s’il en était besoin – à quel point l’intelligence des adeptes du Non-Deux est un modèle de perfectionnement, propre à mettre définitivement à l’abri le moi de toute intrusion menaçante. En fait, le 21 décembre 2012, ce n’est pas la fin du Monde, c’est la fin d’un monde. Là, vraiment, ça change tout. Il ne s’agit pas d’un petit glissement sémantique méprisable, mais bien d’une nuance majeure, aux conséquences phénoménales : plus besoin de se précipiter à Trucarach, car ce n’est pas que le monde va physiquement se fissurer en deux, c’est que l’âge d’Or va enfin arriver. Voyez-vous, du fait que de plus en plus de gens sont éveillés au Non-Deux, on atteint la masse critique, et le 21 décembre, c’est le jour où tout bascule, un peu comme quand le pop corn il commence à faire pop dans la machine à pop corn. Donc, le 21, c’est parti pour l’éveil en masse, de quoi mettre au chômage les pauvres vendeurs de Silence qui gagnent leur vie en vendant l’invendable. Ici encore, saluons le rôle majeur du chercheur de Non-Deux, qui est partie prenante de la vague qui va révolutionner l’humanité.

Quel que soit le camp, de la secte de base au gourou révéré en passant par le Rienkétou éveillé, soyons donc rassurés, tout le monde a à cœur de glorifier le moi.

 Dans ces conditions, il ne serait pas surprenant que le 21 décembre ne marque ni la fin du Monde, ni la fin du moi.

 En conclusion, nous dirons que tout va bien, et que chacun pourra continuer son business peinard : je pourrai croquer le foie d’une oie achetée au marché de Noël place du Capitole, pendant que les disciples de Sri-Bla-Bla-Bla se féliciteront d’avoir sauvé le Monde et que les chercheurs de Non-Deux renouvelleront d’efforts suite à leur nouvel échec - chacun s'estimant l'un des rares corns (c'est important d'avoir l'"r") qui n'a pas encore poppé. Avouez tout de même que ça aurait été bête que les Eveillés se voient dépouillés de leurs ressources, d’autant plus que comme ils pullulent, ça aurait à coup sur dégradé les statistiques du chômage. Si le mercantilisme commercial de notre société paie un peu les frais de la « crise économique", l’insidieux et hypocrite mercantilisme spirituel n’a lui jamais été aussi prospère.

Comme quoi la fin du moi est difficile...

jeudi 4 février 2010

Séduction


Depuis qu'il est avec sa nouvelle compagne, qui boit beaucoup de café, M. Dupont a pris l'habitude de boire un café après le repas du soir. Il a ensuite du mal à s'endormir. Après quelques semaines, M. Dupont commence à être fatigué au bureau, et son chef lui en fait la remarque. M. Dupont se dit qu'il est temps de réagir. Il analyse rapidement la situation, et y rémédie avec facilité : il ne boit plus de café le soir, s'endort plus vite, et est en meilleure forme au bureau. M. Dupont est un homme ordinaire, un homme de bon sens.

Depuis qu'il est avec sa nouvelle compagne, qui boit beaucoup de café, M. Durand a pris l'habitude de boire un café après le repas du soir. Il a ensuite du mal à s'endormir. Après quelques semaines, M. Durand commence à être fatigué au bureau, et son chef lui en fait la remarque. M. Durand est en contact régulier avec un éveillé. A ce titre, il sait mieux que tout le monde, et est irrité quand on lui fait une remontrance. S'il ne répond pas vertement à son chef, il n'en pense pas moins, et son visage trahit ses pensées. M. Durand estime que s'il dort mal, ce qui est sa réalité, c'est qu'il doit vivre cette expérience. S'il avait besoin de plus de sommeil, la Vie lui en accorderait davantage. Quelques semaines passent, M. Durand dort toujours mal, son travail se dégrade. Après de nouveaux avertissements de son chef, l'inévitable arrivé : M. Durand est viré. Ce coup dur est interprété par M. Durand comme une conséquence de sa démarche spirituelle : il vit une purification, qui le rapproche de l'éveil; son mauvais karma est ainsi progressivement purgé. M. Durand est un homme spirituel. Son esprit n'aurait pas pu se satisfaire de l'analyse simple et efficace d'un vulgaire M. Dupont.

Mme. Martin est mariée depuis dix ans. Depuis quelques temps, sa vie prend l'allure d'une routine ennuyeuse, elle rêve devant des films romantiques, s'évade dans des romans à l'eau de rose. Son voisin de pallier, un homme soigné et attentif, lui dit régulièrement un petit mot gentil, une flatterie qui réveille en elle les frissons d'une relation naissante. Un soir où son mari est en déplacement, Mme. Martin accepte une invitation à dîner de son voisin, un homme qui connaît le coeur des femmes : il a prévu les bougies, les fleurs, les compliments et le champagne. En outre, il fait preuve d'une compréhension et d'une écoute sans faille quand Mme. Martin expose ses problèmes de couple. Grisée par l'alcool, rajeunie par les flatteries, subjuguée par quelqu'un qui est d'accord avec elle, qui la comprend, Mme. Martin cède à la tentation, et devient la maîtresse de son voisin. Très vite, Mme. Martin ressent un malaise en compagnie de son mari; elle a mauvaise conscience, perd l'appétit. Elle réalise ce qu'elle fait : elle trahit son mari, se laisse séduire par une histoire artificielle qui tôt ou tard sera aussi victime de son regard usé. Elle en parle à une amie chrétienne, qui lui explique où mène la tromperie. Mme. Martin est une femme de bon sens, qui comprend la valeur de la dignité et de l'honneur. Elle rompt avec son voisin, qui n'était inspiré par rien d'autre que la concupiscence, et réalise avec effroi la beauté simple d'un mariage qu'elle a failli détruire.

Mme. Deltour est mariée depuis dix ans. Depuis quelques temps, sa vie prend l'allure d'une routine ennuyeuse, elle rêve devant des films romantiques, s'évade dans des romans à l'eau de rose. Son voisin de pallier, un homme soigné et attentif, lui dit régulièrement un petit mot gentil, une flatterie qui réveille en elle les frissons d'une relation naissante. Un soir où son mari est en déplacement, Mme. Deltour accepte une invitation à dîner de son voisin, un homme qui connaît le coeur des femmes : il a prévu les bougies, les fleurs, les compliments et le champagne. En outre, il fait preuve d'une compréhension et d'une écoute sans faille quand Mme. Deltour expose ses problèmes de couple. Grisée par l'alcool, rajeunie par les flatteries, subjuguée par quelqu'un qui est d'accord avec elle, qui la comprend, Mme. Deltour cède à la tentation, et devient la maîtresse de son voisin. Très vite, Mme. Deltour ressent un malaise en compagnie de son mari; elle a mauvaise conscience, perd l'appétit. Elle en parle à son professeur de yoga tantrique, qui lui explique qu'il faut suivre la vibration, le chant libre et joyeux de la vie, et s'affranchir des vieux concepts sécurisants. Ce discours stimule l'aspiration à la liberté de Mme. Deltour. Oui, une vie nouvelle s'ouvre à elle, une vie de liberté, une vie vraiment vivante. Mme. Deltour quitte son mari. Enfant gâtée, puis épouse oisive, Mme. Deltour réalise qu'elle va devoir agir pour assurer sa subsistance. Elle fait appel à un excellent avocat, et arrive à convaincre la justice humaine qu'elle est une malheureuse victime sans ressource. C'est ainsi qu'elle plume son mari, et qu'elle jouit quelques années de plaisirs multiples : escapades romantiques avec son amant, nouvelle voiture, nouvel appartement, et le plaisir infini d'avoir les moyens et la liberté de le décorer à sa guise. Tous ses rêves se réalisent. Le temps passe, les rides de Melle. Deltour se creusent. Son amant a rencontré une fille plus jeune; leur relation était sans engagement, elle ne peut se plaindre quand il la plaque. Les hommes ne se retournent plus dans la rue quand Melle. Deltour passe, et ça la déprime. Melle. Deltour est lasse de son travail, lasse de l'appartement qu'elle avait eu tant de plaisir à décorer. Melle. Deltour est aussi cruellement seule. Elle aurait envie de revoir son ex-mari, peut-être le seul homme qui l'avait vraiment aimé. Mais les soucis ont eu raison de celui-ci, et un cancer l'a emporté l'an passé. Melle. Deltour se sent vieille et laide. Elle ne comprend pas pourquoi la vie est aussi dure avec elle, elle qui médite et pratique le yoga depuis vingt ans. Melle. Deltour est une femme spirituelle. Son esprit n'aurait pas pu se satisfaire du comportement chrétien d'une vulgaire Mme. Martin.

M. Ennero, qui vient de commencer un nouveau travail, a des collègues tous passionnés de tennis. Alors forcément, en dépit de ses cinquante ans et d'une absence prolongée de toute pratique sportive, il finit par s'y mettre. Après quelques semaines, M. Ennero commence à avoir des douleurs au coude et à l'épaule. Il se dit qu'en jouant sans trop forcer, peut-être ça va se remettre. Au bout d'un mois, ça ne va pas vraiment mieux. En fait il a de plus en plus mal. Bien que n'étant pas d'une intelligence hors du commun, M. Ennero comprend qu'à son âge, avec sa condition physique, il risque de franchement s'abîmer s'il continue le tennis. M. Ennero décide donc d'arrêter. M. Ennero est un homme ordinaire, un homme de bon sens.

M. Malbarré est un chercheur de vérité. Il ne peut se contenter de la banale réalité quotidienne de tout un chacun. Il est en quête d'absolu. Il lit un livre d'un éminent professeur de yoga, et tombe littéralement sous le charme des propos qu'il y découvre. Quelle clarté, quelle intelligence! Il s'associe d'emblée à la vision exposée, la vision d'un être libre de toute identification, de tout préjugé. M. Malbarré ne tarde pas à s'incrire à un séminaire avec cet éminent yogi. A nouveau, le charme opère, il est comme bercé par la voix toujours égale de l'éveillé. Il ne doute pas qu'il a trouvé la voie (pour les experts, la "non-voie") qui le mènera au seuil du Réel. De retour chez lui après le séminaire, il ressent de grandes tensions dans le plexus solaire. Il se dit que c'est normal, voire bon signe : avant, il n'était pas conscient de ses tensions, maintenant elles lui apparaissent. C'est une première étape vers leur ré-intégration au sein de l'espace conscient. Rien à voir donc avec un signal d'alerte. Les mois passent, les années passent, M. Malbarré fait séminaire sur séminaire, ne doutant pas un instant du bien-fondé de l'enseignement (pour les experts, du "non-enseignement") qui justifie et explique un mal-être allant croissant. La vie de M. Malbarré n'est plus que dysharmonie et souffrance à 360°. Il en parle à son ami M. Ennero, qui a observé dans le temps l'évolution de M. Malbarré. M. Ennero dit que ça lui fait penser au tennis, qui n'était pas pour lui, et avec lequel il n'aurait fait que se blesser davantage. M. Ennero suggère que peut-être, ce que dit l'Eminent, ce n'est pas forcément la Vérité, et que la pratique à ses côtés n'est peut-être pas très bénéfique. M. Malbarré est irrité par cette remarque, irrité par la stupidité de M. Ennero qui est toujours prisonnier de concepts puérils comme le bien et le mal. M. Malbarré, en bon non-dualiste, n'a que faire du bien et du mal. Bénéfique pour qui, alors que la personne n'est qu'illusion? Seule la claire Vision le concerne. Aujourd'hui, alors que M. Ennero n'a plus du tout mal au coude, M. Malbarré est mal avec tout le monde, et il a perdu toute envie de vivre. La seule satisfaction qui lui reste est cet orgueil très particulier de celui qui sait et qui a compris. M. Malbarré est un chercheur de Vérité. Son esprit n'aurait pas pu se satisfaire du pragmatisme méprisable de M. Ennero.

dimanche 4 octobre 2009

La Vraie Vérite sur la Grippe A


Bien Chers Lecteurs, Eminents Chercheurs de la Lumière de l'Esprit,

En tant qu'êtres profondément spirituels, il nous revient bien entendu d'être mieux informés de la vérité vraie que le commun des mortels. C'est normal, puisque nous sommes l'élite qui savons, et non le bas-peuple qui se morfond dans une ignorance que nous mépriserions volontiers si le mépris était autorisé pour des êtres spirituellement élevés.

Je ne doute pas que vous avez déjà reçu dans votre messagerie électronique au moins une dizaine de messages prétendant fournir la vérité vraie sur la grippe A. Sans doute vous ont-ils été envoyés par des gens qui se présentent comme vos amis, et qui pensent vous rendre service et vous sauver la vie en vous révélant le scandale de l'année : la grippe A, et surtout le terrible vaccin qui tue, sont les outils d'une machination diabolique mise au point par ceux-qui-nous-dirigent. Heureusement, les braves amis qui nous transmettent les messages d'information parallèle (donc vraie, forcément) nous révèlent la vérité vraie : le vaccin, qui sera volontairement infesté, n'est qu'un moyen pour mettre un terme à la surpopulation, en tuant des millions de personnes dans le monde. C'est ainsi que ceux qui appartiennent aux courants parallèles, les gens qui se pensent spirituels, sont censés être sauvés en refusant "le vaccin de la mort". Ces gens qui ne demandent qu'à vous aider par leur message, oui, oui, ce sont bien les mêmes qui vous refusent le moindre service en cas de besoin, voire qui vous invitent à vous interroger en profondeur quand vous leur demandez quoi que ce soit, puisqu'étant spirituels, vous devez être sans besoin. S'ils vous invitent autant à investiguer, c'est peut-être que pendant ce temps, ils n'ont pas à le faire eux-mêmes quand votre demande dérange leur irresponsable quiétude : ils ont déjà fait leur devoir en vous renvoyant à vous-même, alors ils peuvent retourner à leurs lectures spirituelles.

Eh bien très chers lecteurs, vous qui êtes encore plus supérieurs et spirituels que le chercheur moyen, vous voici récompensés pour avoir été bénis de l'accès à ce blog : je vais vous révéler la vérité vraie sur la grippe A, sur le vaccin, et sur les messages d'information qui dénoncent le "vaccin de la mort".

La vérité vraie, c'est que la grippe A, le vaccin, et les messages d'information parallèle ont une seule et même source : ils sont les outils odieux avec lesquels ceux-qui-nous-dirigent, satanistes accomplis, vont se débarasser de l'épine qui leur torture le pied : les êtres spirituels, vous et moi, qui sommes des outils du Divin.

Voici leur plan diabolique, dans le détail le plus sommaire :
- Créer un virus très contagieux et mortel, pour qu'il se répande dans le monde entier,
- Proposer un vaccin, car sinon ceux-qui-nous-dirigent seraient immédiatement reconnus comme des assassins, ne faisant rien pour sauver les gens du terrible virus,
- Créer et faire circuler des messages de désinformation dans les milieux spirituels, afin que les êtres spirituels évitent la vaccination, et que le plus grand nombre de victimes soient comptés dans leurs rangs.

N'est-ce pas odieux et diabolique? Vous rendez-vous compte que les braves amis qui vous ont transmis les messages anti-vaccins ont en réalité été les jouets de ceux-qui-nous-dirigent? Pensant bien faire, ils ont augmenté notre risque de contamination et de décès. C'est ainsi que nos élites comptaient se débarrasser des êtres spirituels.

J'ai bien dit "comptaient", car grâce à votre serviteur, la supercherie est levée.

Très chers lecteurs, comment vous sentez-vous à l'idée :
- d'être mieux informés que les autres,
- d'être à l'abri de tout danger,
- d'avoir le pouvoir de sauver ceux que vous aimez, en leur transmettant ce message.

Imaginez la gratitude et l'admiration dont vous serez l'objet!

Sentez-vous votre orgueil se gonfler?
Sentez-vous votre colère trouver une justification grâce à cette histoire de complot?
Sentez-vous comme votre existence se trouve glorifiée par votre rôle dans la transmission d'une information vitale?
Sentez-vous la chappe de savoir rassurant qui vient recouvrir la peur qui est en vous?

Si vous sentez tout ça, vous comprenez pourquoi les messages d'informations secrètes rencontrent un tel succès, pourquoi ils circulent aussi vite sur la toile : ils flattent l'orgueil, justifient la colère, et masquent la peur.

Lire avec passion un tel message, laisser son émotivité et son orgueil brouiller son jugement, se laisser aller à le transmettre à tous pour "partager" toutes ces bonnes choses, c'est une excellente méthode pour ne pas se regarder en face, un moyen de plus pour le chercheur spirituel de se dédouaner, de se mentir à lui-même, de stimuler les penchants les moins conscients en se croyant être investi par la vérité vraie.

Et si le problème dans le monde, ce n'était pas ceux-qui-nous-dirigent, qui ne sont que le juste reflet de la société qu'ils représentent? Et si en réalité, le problème, c'était moi? Ah, que la nouvelle serait mauvaise et amère...toutes mes croisades dévoilées pour ce qu'elles sont?

Très estimé lecteur, si tu tiens à protéger l'image de toi-même que tu as péniblement créée après des années de recherche, oublie ce message, oublie ce blog. Tout ce que tu y liras te sera insupportable. Il ne s'agit que des propos aigris et insensés d'un pseudo-yogi même pas diplômé.

Rien qui mérite de remettre en question le confortable assemblage imaginaire dans lequel nous nous vautrons, la conscience sereine, ou au moins assoupie...

jeudi 23 avril 2009

De l’importance d’être soi-même


Il parait que nous entrons dans l’Ere du Verseau, et qu’en principe, c’est une bonne nouvelle : la spiritualité ne reste plus confinée au sein de milieux fermés, mais se répand dans le monde, imprégnant le matérialisme ambiant d’une profondeur nouvelle. C’est ainsi que nos vieux psychanalystes barbus se retirent au profit d’êtres lumineux, de channels qui parlent au nom des anges, de thérapeutes tous meilleurs les uns que les autres, grâce à la découverte de mécanismes éminemment subtils.

Depuis quelques années, avec la vogue « new-age », le monde de la thérapie et du développement personnel connait une véritable ébullition. Il ne se passe pas trois mois sans que nous ne recevions un message d’un ami qui est tombé sur une technique révolutionnaire, sur un thérapeute hors-pair, qui en quelques séances trouve et dénoue les origines de nos maladies et de nos conflits les plus ancrés. A un point qu'on se demande pourquoi ces mêmes amis ne vivent pas déjà depuis longtemps dans une béatitude totale. Si, grâce à la nouvelle méthode, ils seront très heureux dans le futur, il semblerait paradoxalement que dans le présent, ils soient de plus en plus dérangés par leurs divers troubles, et de plus en plus agités dans leur recherche. A se demander si la période actuelle voit une incursion de la spiritualité dans le matérialisme, ou plutôt une incursion du matérialisme dans la spiritualité…

N’est-il pas d’ailleurs surprenant de constater que la spiritualité est devenue synonyme de développement personnel, alors qu’au cœur de toutes les voies spirituelles, la personne brille par son absence ? Ce glissement, qui doit être subtil, puisqu’il se produit à l’insu de la sagacité des chercheurs spirituels, est-il vraiment anodin ?

On entend de toutes parts qu’il est important de se libérer du regard d’autrui, et d’oser être soi-même. Il existe d’ailleurs des centaines de livres qui expliquent comment y parvenir, ce qui prouve l’importance portée au fait d’être soi-même pour progresser sur le chemin. Il semble certain que si l’Ultime se trouve en soi, on ne peut s’en approcher en essayant de devenir celui ou celle que les autres attendent que l’on soit. D’où la déduction qui semble logique : je dois m’affirmer en tant que moi-même, tel que je suis, et me libérer du regard des autres. Il s’en suit des comportements typiques dans les milieux spirituels : on commence par perdre toute souplesse, on devient égoïste, et on finit coupé de tout et de tous, dénigrant un système dont on prétend sortir, alors qu’on en devient seulement un parasite marginal qui prend sans rien donner. Si la « spiritualité » continue sa progression, le nouvel âge risque fort de ressembler à l’âge actuel : une jungle où chacun se bat pour protéger la place à laquelle il estime avoir droit, voulant tout prendre et rien donner. Avec en prime la suprême hypocrisie : c'est "spirituel"!

Alors la question se pose : au nom de quel « soi-même » est-on prêt à donner des coudes ? Quel est ce « soi-même », censé nous orienter au cœur de soi – un lieu de paix et d’harmonie -, et nous amenant à adopter des comportements sources de conflit ?

« Moi-même » = ce que j’aime, ce que je n’aime pas, ce dont j’ai envie, ce que je ne veux pas, ce qui me donne une impression agréable, ce qui me donne une impression désagréable. En résumé, moi-même, c’est défini par la somme de ce que je veux saisir, et de ce que je veux rejeter. Moi, j’aime le rouge plutôt que le vert. Moi-même, ce sont mes choix. Etre soi-même, c’est donc être ses choix. Bien sur, c’est présenté noblement : « je suis juste fidèle à mes choix, je ne les impose à personne ». Mais entre nous, est-ce bien vrai ? Si je ne tentais pas d’imposer mes choix aux autres, mes relations seraient-elles ce qu’elles sont, avec ma famille, avec mes collègues, avec la société ? Aurais-je autant la désagréable impression d’être entouré par « des cons qui ne me comprennent pas », si je n’attendais pas qu’ils se rallient à mes choix ?

Quant à ces choix que je dis miens, sont-ils vraiment des guides fiables pour me conduire au cœur de moi-même ? Est-ce que je choisis mes choix ? Ou est-ce que mes choix s’imposent à moi ? Suis-je libre de préférer le rouge plutôt que le vert, ou est-ce que je le subis ? Est-il un seul de mes choix qui ne soit autre chose que le produit de mon conditionnement, c'est-à-dire provenant de l’extérieur ?

Vouloir obstinément être « soi-même », ne serait-ce pas finalement s’enchainer à ses choix, se faire l’esclave d’un conditionnement extérieur ? En m’efforçant d’être moi-même, est-ce que je me rapproche de mon centre, ou est-ce que je cours frénétiquement après des éléments périphériques ?

Je souhaite me libérer du regard des autres, et j’oublie que mon propre regard ne m’appartient en rien ! Mon regard n’est qu’encombrement du passé : génétique, éducation, traumatismes, voici les éléments à l’origine de mes inclinations «naturelles». Vouloir coute que coute être soi-même, cela revient en fin de compte à déclarer la guerre au nom de la paix, c’est lutter au nom de ce qu’on n’est pas.

Voila une face cachée du développement personnel, et voila peut-être pourquoi des dizaines d’années de thérapies aboutissent parfois à un égocentrisme tel qu’on devient incapable de vivre en société. On se console en affirmant qu’on est au moins en accord avec soi-même. Mais si c’était vrai, serait-on inscrit au prochain séminaire de la nouvelle thérapie révolutionnaire grâce à laquelle on va enfin se débarrasser de ceci ou cela qu'on n'accepte pas en soi? Si on était vraiment en paix avec soi-même, aurait-on ce besoin impératif de croisade pour changer son conjoint, ses enfants, ses collègues, la société ?

Nous passons notre temps à nous mentir à nous-mêmes, à prétendre devenir spirituels quand nous resserrons chaque jour davantage les chaines qui nous entravent. Le prochain livre « new age », la prochaine thérapie, la prochaine cure de raisin, le prochain voyage en Inde, le prochain séminaire de yoga, la prochaine rencontre - ou refus de rencontre - avec tel ou tel gourou seront un nouveau tour de vis. Je serai davantage moi-même, davantage justifié dans mes conflits, davantage lié à mon conditionnement.

C’est ainsi, et je n’y peux rien.

Inutile d'ailleurs d'essayer pour autant de devenir un autre, un être sage, altruiste, car à nouveau ce sera au nom d'un de "mes choix", c'est à dire d'un conditionnement.

C'est ainsi, et je n'y peux rien.

Suis-je prêt à me l’avouer ?

Qui sait ce qui se produirait si je m’en faisais sincèrement l’aveu ?

lundi 30 mars 2009

Des nouvelles de Steve



Sur Internet circulent toutes sortes de canulars.

Le dernier à la mode : Stephen Jourdain serait mort, des suites d’une chute faite un vendredi 13. On nous prend vraiment pour des zozos.

Alors depuis, tout le monde y va de son bon mot :

- Steve était de loin le plus éveillé des éveillés. D’ailleurs, Eric Baret m’avait confié dans l’intimité que jamais dans cette vie il n’atteindrait le niveau de Steve…

- Steve avait certes eu une expérience spirituelle, mais à mon avis, il ne s’agissait pas de l’éveil ultime ; il n’y a qu’à voir les relations conflictuelles qu’il entretenait avec les femmes.

- Prions pour Steve pour qu’il trouve la lumière ; il en aura bien besoin, car il a accumulé un lourd karma négatif dans sa relation à M.C.

Il suffit donc qu’un animal intentionné lance une ânerie sur le net pour que tout le monde en rajoute une couche.

Mettons donc fin à cette fausse rumeur : Jourdain est vivant, et il va bien.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, trois solutions :

- lire ses livres (bon courage !),

- regarder ses photos sur Internet,

- imaginer ce que peut être un mélange de Bouddha, Jésus-Christ, Casanova, Arsène Lupin et Louis De Funès, et traverser toutes ces images pour trouver le point, celui qui est commun.

Un point...c’est tout.

vendredi 27 mars 2009

Peut-on être un yogi?


En brave chercheur spirituel, j’ai trainé mes guêtres dans divers groupes qui se disent spirituels, à la recherche de l'introuvable. Plus ou moins partout, d’ailleurs plutôt plus que moins, j’ai rencontré ce qui s’appelle le sentiment d’appartenance.

Ainsi, quand vous êtes évangéliste, il ne fait aucun doute pour vous que vous êtes évangéliste, et pas catholique, juif, musulman ou hindou, du fait que les évangélistes, ils possèdent la vraie vérité qui est la seule vraie, alors que les catholiques, juifs, musulmans, hindous et autres ils sont dans l’erreur la plus ténébreuse. Les fanatiques religieux de tous bords fonctionnent ainsi. Certains se contentent de déranger leurs voisins en leur vendant le Salut, d'autres les font sauter (c'est plus expéditif). Cette tendance au sectarisme se rencontre dans les religions – qui ne sont que l’opium du (bas) peuple – mais ne saurait en principe concerner le monde spirituel, où le dogme est banni, et où la claire vision règne.

Et pourtant.

Voyageons un peu. Rendons visite à des amis d’un ordre initiatique traditionnel, adogmatique, prônant la tolérance et l’ouverture. Très vite, nous allons constater que les trois quarts des échanges ont pour unique propos de se rassurer sur le fait que vraiment, on est au bon endroit. Alors, soit on jouit d'une approche élitiste dans son petit groupe fermé très éclairé, soit vraiment il est important que l’ordre croisse et se répande, car à travers lui, c’est la lumière qui vient à la rencontre des profanes se morfondant dans l’ombre. Il ne s’agit pas du tout de prosélytisme, car c’est là un vilain mot, mais d’un engagement à servir l’humanité, ce qui est bien plus noble. Dans les deux cas, chacun des membres de l’ordre est sincère dans sa croyance: il est sur la bonne voie.

Cette croyance étant installée, très vite, un glissement s’opère : l’appartenance à un groupe qui fait le bien, en tout cas qui essaie, me confère un statut. Je ne suis plus un profane vivant dans l’erreur et l’obscurité, je suis un initié. Pour peu que je vieillisse quelques temps dans l'ordre, je peux même devenir un maitre.

Bien entendu, je dois concéder qu’il me reste des progrès à faire, et d’ailleurs je me plais à dire que les progrès sont infinis et que jamais la pure lumière ne sera atteinte. Mais tout de même, je fais partie des bons, ce qui justifie que la plupart du temps, j’occupe mon regard à l’autoglorification collective de mon ordre, convaincu que si tout le monde était comme nous, l’harmonie règnerait sur terre.

Sauf que l’harmonie ne règne déjà pas vraiment au sein de l’ordre, car ici comme partout, chacun a besoin de se rassurer qu’il a raison, ce qui implique que l’autre (qui peut être un de mes camarades que je juge indigne, ou l’organisme central de mon ordre, ou les diverses divisions au sein d’un ordre censé universel…), que l’autre donc, ait tort. J’ai raison, il a tort, et voilà l’harmonie de surface qui fait place à la réalité : un ego en conflit.

Heureusement, tous les chercheurs spirituels ne tombent pas dans le panneau ; la plupart ont compris que les structures établies, qu’elles soient religieuses ou initiatiques, ne sont que des fossilisations dévoyées de la tradition primordiale. La seule garantie pour qu’un groupe ne s’égare pas, c’est qu’il soit dirigé avec sagesse par un être réalisé.

Scénario numéro 1 : je dépose ma vie aux pieds d’un gourou – parfait de préférence – je répète mon mantra, je passe trois mois par an à l’ashram en Inde, quand je ne plaque pas tout simplement mon travail et ma famille pour me consacrer à temps plein à ma recherche - Dieu mérite bien quelques sacrifices. Après l’exaltation des débuts, le contact extatique avec un être rayonnant, je suis vite rattrapé par la réalité : les luttes de pouvoir au sein de l’ashram, les bousculades pour être plus proche du gourou, pour que son Regard se dépose sur moi, convaincu que plus je serai regardé par le gourou, plus je ferai le plein de grâce, et plus vite je serai éveillé. Je suis disciple de « Sri Maha Mama » ou autre, et cela suffit pour m’acheter ma place au paradis.

Le sentiment d’appartenance, c'est l’alternative à un regard honnête posé sur moi-même: ça m'évite de voir mes mesquineries, mes contradictions, mon orgueil, avec comme base le sentiment lancinant de ne pas être comme il faut, et comme compensation la croyance d’être sur le chemin qui me rendra parfait.

Scénario numéro 2 : ouf ! Enfin je suis libéré de l’illusion. J’ai eu la chance d’être touché par un enseignement non-duel. J’ai compris que rien ni personne ne peut me donner ce que je suis, et que toute démarche ne fait que m’éloigner. Tout de même, quand je fais un stage de yoga avec mon « ami spirituel » - ce qui n’a bien entendu rien à voir avec la projection romantique du gourou, je contacte une tranquillité qui n’a d’égale que l’agitation et le désarroi qui ornent mon quotidien quand je suis prisonnier d’un repas de famille ou impliqué dans les échanges de tirs divers et variés dans ma vie professionnelle. Ah, si seulement tout le monde pouvait être touché par la tranquillité, si seulement je n’avais plus à supporter le bruit du monde, ses conflits, sa vision limitée et obscurcie.

Quel plaisir quand je retrouve mes vrais amis au stage suivant, quel soulagement de nous raconter mutuellement nos souffrances, ce que nous devons subir pendant les semaines qui séparent les îlots de grâce que sont les séminaires de yoga.

Quelle joie de se retrouver entre amis qui partagent l’amour de l’écoute, du silence, de la tranquillité ! Quel sentiment rassurant que de baigner dans la compagnie de celui-qui-n-est-personne, dont la simple présence déclenche en nous le rappel de qui nous sommes vraiment. Ah, le sentiment d’appartenance, c’est bien grâce à lui que j’arrive encore à supporter mon quotidien.

Je suis un yogi, enfin un apprenti yogi, car tout de même je garde à l’esprit que l’humilité ouvre les portes de l’être. Je suis un yogi, donc je ne supporte plus d’être entouré de requins avides au travail, je suis un yogi, donc je ne supporte plus les crises de jalousie de ma femme ou de mon mari encore pris dans le concept ringard de fidélité, je suis un yogi, donc je ne supporte plus la nourriture tamasique de la cantine, je suis un yogi, donc je ne supporte plus les milieux spirituels dualistes qui s’égarent, je suis un yogi, donc…je ne supporte plus rien!

Je suis un yogi, donc je me coupe de tout, et je me raconte que c’est par amour pour l’être, la vérité, la clarté, l’écoute. Je méprise – avec compassion bien entendu - tous les ignorants qui m’entourent, je fustige ceux qui résistent à l'idéologie non-dualiste, et alors, je peux devenir un tueur si quelqu’un ose s’attaquer à celui par qui la vérité me touche, celui-qui-n-est-personne. C'est important que tous le reconnaissent et le respectent, car celui-qui-n-est-personne est mon devenir.

Ah, celui qui n'est personne... Comme ses mots sont justes. Comme son humour est brillant. Comme ses gestes sont fluides. Comme je serai bien quand je serai comme lui. Je suis toujours au premier rang dans la salle pour baigner davantage dans son champ énergétique. Comme lui, je ne prends qu’une tasse d’eau chaude au petit déjeuner, je fréquente mon tapis avec assiduité, j'abhorre le poisson et encore plus la viande. Je méprise la psychologie, je méprise les thérapeutes, je méprise le hatha-yoga, je ne suis que mépris à 360°. C'est normal, j'ai raison. Ils ne voient pas. Je vois.

Et que personne n'ose mentionner mon comportement égoïste! Je nie toute responsabilité dans les souffrances que j’impose à autrui: n'est-il pas vrai que la source de la souffrance de l’autre est uniquement chez l’autre? Je m’autorise dix mille caprices car je tiens avant tout à être moi-même. Y'en a marre de n'exister que dans le regard des autres! Fini la servitude! Je ne suis pas là pour faire plaisir aux autres! Je suis libre de toute limite conceptuelle, ayant transcendé par mon intellect pointu les vieilles notions de bien et de mal. Je suis ultimement irresponsable, et forcément je ne saurais m’égarer ainsi, car celui-qui-n-est-personne dit toujours que personne n’est responsable, car de toute manière il n’y a personne.

Celui-qui-n-est-personne me montre la lune, et contemplant son doigt, je suis heureux de vivre dans la vérité.

Je contemple son doigt à longueur de journée, ce doigt qui justifie chacune de mes pensées avides, chacun de mes actes égoïstes, et je me dis que j'approche de la liberté ultime. A regarder le doigt de trop près, je ne vois pas que je me l'enfonce dans l'oeil. Tôt ou tard, le doigt dans l'oeil fait mal. Alors je mords de partout, parfois même le doigt. D'une manière ou d'une autre, forcément j'ai raison et l'autre a tort, puisque je suis sur le bon chemin. J'ai croisé celui-qui-n-est-personne, donc il est clair que je suis destiné au Vrai!

Je me dis ce que se dit le disciple de Sri Maha Mama. Je me dis ce que se dit le membre du grand ordre de la vérité lumineuse et gnostique. Je me dis ce que se dit l’évangéliste, le catholique, le musulman, l’athée rationaliste, mon voisin, mon collègue, et chacun des braves egos qui peuplent cette terre. J’ai raison, ils ont tort, car j’appartiens à tel ou tel courant : je suis croyant, je suis athée, je suis adepte de yoga (du Cachemire, bien sur), je vais à la messe, je suis libre-penseur (c’est ainsi qu’on appelle les esclaves de la pensée), je suis marxiste éclairé (tant qu'à faire...), je suis ceci, je suis cela.

Il y a quelques décennies, ce mécanisme à été brillamment dénoncé par un certain Krishnamurti. Des propos d’une clarté exemplaire, une approche rigoureuse et non mystique, idéale pour être entendue en occident. Une lame bien affutée, maniée avec brio, qui a tournoyé devant des dizaines de milliers de « chercheurs ». Une lame qui avait tout pour abattre l’illusion du sentiment d’appartenance. A voir ce qu'il en reste - même sur les forums "krishnamurtiens", une bonne dose d'optimisme est nécessaire pour saluer dans le discours du sage autre chose que des coups d'épée dans l'eau.

Je suis un digne héritier de Krishnamurti, je suis un yogi (non-duel s'il vous plait), je suis quelqu'un qui n'appartient à aucun groupe (c'est à dire qui appartient au groupe de ceux qui avancent par eux-mêmes pour éviter d'être dérangés dans leurs certitudes), je suis ceci, je suis cela, je suis d’accord avec untel, pas d’accord avec untel.

Je ne suis qu’un point de vue qui affirme son existence.

En lisant ces lignes, je me dis « c’est n’importe quoi ». En lisant ces lignes, je me dis « oui, et alors? ». En lisant ces lignes, je me dis « c’est tout à fait ça, il a raison ! ».

En lisant ces lignes, je ne suis qu’un point de vue qui affirme son existence.

En écrivant ces lignes, je ne suis qu’un point de vue qui affirme son existence.

Suis-je vraiment prêt à m'en faire la confession?